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Recul de la France sur la protection des pollinisateurs et de la biodiversité

Dernière mise à jour : 8 oct. 2020





Les parlementaires français viennent d'approuver une proposition de loi qui met en danger les abeilles, la biodiversité en général (entomofaune, faune du sol) mais aussi tout notre environnement. La France a passé des années à être le fer de lance des progrès en matière de protection de la nature et de santé publique contre les pesticides dangereux. Elle était à l'avant-garde des questions législatives protégeant l'équilibre des écosystèmes en Europe. Cependant, avec le vote du 6 octobre 2020 [1], la France a sensiblement inversé sa progression. Les parlementaires ont approuvé une loi modifiant les conditions d'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur les cultures de betteraves sucrières en cas de danger sanitaire. Les autorités pourront désormais introduire des dérogations pour permettre l'utilisation de pesticides interdits. Comme d'autres pays de l'UE, la France est désormais confrontée une fois de plus aux risques des néonicotinoïdes, alors même que cela fait plus de vingt ans qu’apiculteurs, écologistes et scientifiques dénoncent et présentent des preuves de leurs risques inacceptables.


BeeLife déplore vivement cette décision et est solidaire de ses membres français: l’ADA AURA (association de développement apicole Auvergne/Rhône-Alpes), la FFAP (Fédération française des apiculteurs professionnels), la FNOSAD (fédération nationale des organisations sanitaires apicoles départementales), l’UNAF (Union nationale de l’apiculture française) et le SNA (Syndicat national d’apiculture), ainsi que tous les apiculteurs et écologistes français. Francesco Panella, président de BeeLife, déclare que la situation des dérogations en France est particulièrement désastreuse. "Si nous sommes sûrs que l’utilisation d’un pesticide est “inacceptable ", comment pouvons-nous accepter de" déroger " à son interdiction? Les “exceptions [autorisation d’urgence] " ne sont utilisées que pour continuer à ne rien changer. En effet, il existe toujours des alternatives, mais encore faut-il vouloir les construire. Une bonne partie du monde agricole et politique ne veut pas changer, et le résultat est évident. Ce nouveau pas en arrière vers la non-durabilité est inacceptable! "


La décision du parlement français crée un dangereux précédent qui va au-delà de l'utilisation spécifique des autorisations d'urgence pour les pesticides interdits. La décision a immédiatement affaibli d'autres développements législatifs visant à protéger la santé humaine et environnementale. Plus troublant encore, il envoie un message décourageant aux autres membres de l'Union européenne. Après avoir servi pendant des années d'exemple à une politique environnementale ambitieuse, la France se retrouve maintenant à niveler le niveau de protection environnementale par le bas, non seulement pour elle mais aussi pour les autres.


Le risque élevé de libération de néonicotinoïdes dans l'environnement

Cette décision n'a pas seulement un message symbolique troublant. Une fois que les autorités nationales auront approuvé l'utilisation des néonicotinoïdes par dérogation à l'interdiction de l'UE, les pollinisateurs et les écosystèmes en souffriront. Comme l'ont montré des chercheurs et l'Autorité européenne de sécurité des aliments (l'agence chargée de fournir des avis scientifiques indépendants EFSA en anglais), les néonicotinoïdes présentent un risque élevé pour les abeilles, et pas seulement pour les abeilles [2] [3]. De plus, ces risques ne sont pas seulement une intoxication unique dans la zone immédiate où des produits à base de néonicotinoïdes sont utilisés. Comme nous le dénonçons depuis des années, les modes d'exposition varient. L'utilisation de néonicotinoïdes contamine non seulement le champ mais va au-delà, multipliant ainsi les voies d'exposition et la zone touchée [4].


En outre, des preuves ont déjà révélé les dangers croissants des néonicotinoïdes sur les espèces non ciblées qui se produisent de manière chronique pendant une période prolongée. Les néonicotinoïdes persistent dans l'environnement pendant des années après leur utilisation [5]. Par conséquent, la décision du parlement français aura des effets terribles pour les années à venir une fois que les autorisations d'urgence commenceront à être données.


Dangers des dérogations non contrôlées

L'utilisation d'autorisations d'urgence pour les néonicotinoïdes est en soi un défi de taille pour la santé des abeilles et la garantie de la santé des écosystèmes. Cependant, l'abus potentiel des autorisations d'urgence augmente les risques. Comme en témoignent d'autres États membres de l'UE, l'abus d'autorisations d'urgence pour les néonicotinoïdes n'est pas seulement une possibilité mais une réalité [6] [7]. Certains pays autorisent des dérogations année après année, avec une documentation insuffisante pour le justifier, laissant de côté les études nécessaires pour les alternatives. Cette situation est une conséquence de l'abus de l'article 53 du règlement (CE) n ° 1107/2009, qui autorise des dérogations, mais si et seulement si les cultures font face à des conditions spécifiques, que la dérogation est justifiée et la procédure appropriée.


Et maintenant?

La France est aujourd'hui confrontée à des défis importants pour l'avenir de la protection de l'environnement. Pour le moment, le texte doit encore être examiné au Sénat puis passer en 2eme lecture au Parlement. Il y a peut-être encore une chance que la loi approuvée en France s'effondre si les parlementaires font appel auprès du Conseil constitutionnel. Des associations ont déjà fait savoir qu’elle se réservait aussi le droit d’attaquer le texte de loi. Au niveau européen, la pression monte sur les autorités de l'UE pour qu'elles trouvent de nouveaux moyens pour mettre un terme aux abus d’utilisation des autorisations d'urgence. Il est clair que le système actuel autorise non seulement l'utilisation abusive de l'article 53, mais encourage même les États membres à suivre cette voie dangereuse. Nous invitons les institutions européennes à voir la situation en France comme un signal d'alarme pour garantir une meilleure protection des pollinisateurs, notamment en garantissant le respect du droit communautaire et en dissuadant l'abus des failles juridiques.




Références:


[1] Assemblée Nationale. 2020. Analyse du scrutin n° 2940 Première séance du 06/10/2020 Scrutin public sur l'ensemble du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (première lecture). http://www2.assemblee-nationale.fr/scrutins/detail/(legislature)/15/(num)/2940#G0

[2] Woodcock, B.A. et al. 2017. Country-specific effects of neonicotinoid pesticides on honey bees and wild bees. https://science.sciencemag.org/content/356/6345/1393.abstract

[3] EFSA. 2013. Guidance on the risk assessment of plant protection products on bees (Apis mellifera, Bombus spp. and solitary bees). https://www.efsa.europa.eu/en/efsajournal/pub/3295

[4] BeeLife, FFAP. 2016. Neonicotinoids and Water - Nature Drowned in Pesticides. https://579f1725-49c5-4636-ac98-72d7d360ac5b.filesusr.com/ugd/8e8ea4_54e580c581fa46beaa03c64c49ad6966.pdf

[5] Wood, T.H. & Goulson, D. The environmental risks of neonicotinoid pesticides: a review of the evidence post 2013. https://link.springer.com/article/10.1007/s11356-017-9240-x 

[6] PAN Europe, BeeLife, ClientEarth, Romapis. 2017. Bee Emergency Call: How some Member States are threatening bees by allowing the use of pesticides and how the Commission does nothing to stop them: https://link.bee-life.eu/bee-emergency-call

[7] BeeLife. 2020. Neonicotinoid-Ban Derogations Limited But still Persist in Romania. https://www.bee-life.eu/post/neonicotinoid-ban-derogations-limited-but-still-persist-in-romania







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