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Les autorisations d'urgence de produits chimiques toxiques continuent de mettre en péril la santé environnementale et humaine dans l'UE : nouvelle étude

La santé environnementale et humaine dans l’Union européenne (UE) continue d’être confrontée aux risques liés à l’utilisation de produits chimiques non autorisés dans l’agriculture. Via la procédure d'autorisation d'urgence, de nombreux États membres continuent à autoriser la réintroduction de substances dangereuses dont il a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable qu'elles présentent des risques inacceptables pour la santé humaine et environnementale. 


L’utilisation et l’abus continus des autorisations d’urgence, dont certaines enfreignent les réglementations de l’UE qui dictent leur procédure, entravent les objectifs de durabilité établis dans le cadre du Pacte vert de l’UE. Les failles exploitées dans les procédures d’autorisation d’urgence et leur application insuffisante créent des défis persistants en matière de durabilité et de santé publique. 


Aujourd'hui, une nouvelle étude a été publiée (Carisio, Simon Delso, Tosi, Beyond the urgency: pesticide Emergency Authorisations' exposure, toxicity, and risk for humans, bees, and the environment, 2024, Science of the Total Environment, Vol 947) [1], mettant en lumière les risques liés à l’exploitation des failles réglementaires concernant les autorisations d’urgence. 


Cette étude fournit un aperçu complet du cadre réglementaire pour les produits chimiques utilisés dans la protection des cultures et évalue la fréquence, l'utilisation et le respect de la réglementation des États membres accordant des autorisations d'urgence. En se concentrant sur des recherches antérieures utilisant les abeilles comme bio-moniteurs pour évaluer la toxicité des produits chimiques, l'étude met en évidence l'impact profond des autorisations d'urgence sur la santé humaine et environnementale. 


Certains États membres enfreignent la loi en octroyant des autorisations d'urgence, et le qualificatif « urgence » perd son sens.


Les résultats de l'étude sont alarmants. Entre 2017 et 2021, le nombre d'autorisations d'urgence accordées par les États membres pour les produits phytopharmaceutiques (c’est à dire, les pesticides), les produits commerciaux destinés à être appliqués sur les cultures, est passé à 3173. Il s'agit d'une augmentation significative par rapport à la période précédente, qui avait vu 220 autorisations entre 2013 et 2016. D’ailleurs, la moyenne annuelle de l'UE pour les autorisations d'urgence pour les substances actives, les principaux composants chimiques des pesticides, était de 223.


Certaines de ces autorisations violaient les limites légales. Douze pourcent des autorisations dépassaient la limite de la période d’utilisation de 120 jours. En Espagne, par exemple, une substance hautement toxique (le fludioxonil, qui a été associée à des lésions des cellules hépatiques chez les humains) a obtenu une autorisation de quarante mois. En outre, divers États membres ont constamment renouvelé les autorisations d'urgence, diluant ainsi le sens du mot clé « urgence ». 



Les autorisations d'urgence réintroduisent les produits chimiques les plus toxiques et nocifs dans notre environnement.

Autre sujet très alarmant, les substances actives réintroduites dans l’environnement grâce aux autorisations d’urgence sont hautement toxiques et produisent des effets particulièrement nocifs. Par rapport aux substances approuvées, celles qui retrouvent leur chemin dans nos champs grâce à des autorisations d'urgence ont des valeurs toxiques plus élevées. 


Selon la métaanalyse des recherches sur la biosurveillance, qui utilise les abeilles comme indicateurs de la contamination de l'environnement, les doses mortelles médianes de substances actives dans les autorisations d'urgence sont inférieures à la moitié. En d’autres termes, il faut moins de la moitié de la dose pour devenir mortelle pour une abeille par rapport à la substance active médiane autorisée, ce qui indique la forte toxicité des substances dans les autorisations d’urgence. Ces autorisations permettent donc la propagation dans l’environnement et la chaîne alimentaire des produits chimiques hautement toxiques, qui sont plus contaminants et dangereux par rapport aux substances actives approuvées.


Malheureusement, cette situation ne se limite pas à quelques portions du territoire européen. Les six États membres qui ont accordé le plus d'autorisations d'urgence pour les substances actives représentent également la moitié des terres agricoles de l'Union européenne (Autriche, France, Allemagne, Grèce, Italie et Espagne). Le recours massif aux autorisations d’urgence dans l’ensemble de l’Union européenne ne peut que susciter davantage d’inquiétudes quant à son impact environnemental considérable, notamment sur les pollinisateurs et la population humaine.


Un problème persistant

Les failles dans les procédures d’autorisation d’urgence, le manque de responsabilité et l’insuffisance de la force exécutoire ne sont pas nouveaux. Alors que cette nouvelle étude clarifie certains mécanismes réglementaires et décrit les risques élevés pour l'environnement et la santé humaine associés aux autorisations d'urgence de produits chimiques à usage agricole, diverses organisations environnementales n'ont cessé de tirer la sonnette d'alarme contre l'abus de ces autorisations par les États membres. En 2017, un rapport des organisations environnementales et apicoles PAN Europe, ROMAPIS, Client Earth et BeeLife a attiré l'attention sur l'abus continu des autorisations d'urgence des insecticides et leur impact élevé sur les abeilles et l'activité apicole [2]. D'autres communications ultérieures ont également souligné les défis juridiques et environnementaux liés aux autorisations d'urgence [3] [4] [5]. 


La voie à suivre

Compte tenu des défis liés à la demande accrue de produits agricoles et à la nécessité d’améliorer la sécurité alimentaire, des stratégies durables sont nécessaires. Comme le souligne l’étude, des alternatives telles que les approches de lutte intégrée contre les ravageurs (IPM), les substances actives alternatives (autorisées) et les pratiques agroécologiques ouvrent des possibilités pour permettre maintenir, voire, augmenter la productivité, la durabilité et la résilience agricoles. La promotion de ces pratiques doit aller de pair avec une clarté et une responsabilité accrues dans le mécanisme d’autorisation d’urgence. Pour parvenir à une plus grande durabilité en agriculture, il faut à la fois promouvoir des pratiques bénéfiques et dissuader les abus et les failles telles que celles exposées et exploitées dans les autorisations d’urgence.


Points clés à retenir:

  1. Les autorisations d'urgence sont nombreuses et un certain pourcentage enfreint les délais légaux, les procédures de dépôt des justifications et l'obligation d'établir une feuille de route pour la recherche et l'application d'alternatives. 

  2. Les produits chimiques réintroduits dans l'environnement par des autorisations d'urgence sont hautement toxiques et présentent des risques plus importants pour l'environnement et la santé humaine que les substances autorisées. 

  3. L’abus des autorisations d’urgence est un phénomène récurrent observé et dénoncé depuis près d’une décennie.





À propos de BeeLife 


BeeLife European Beekeeping Coordination est une organisation à but non lucratif dédiée à la protection des abeilles et des pollinisateurs dans l’Union européenne. Grâce à la recherche, au plaidoyer et à la collaboration avec des institutions, BeeLife s'efforce de promouvoir un environnement durable où les pollinisateurs peuvent prospérer, garantissant ainsi la biodiversité et la sécurité alimentaire en Europe.



Contacts:




Références

[1] Carisio, Simon Delso, Tosi, 2024, Beyond the urgency: pesticide Emergency Authorisations' exposure, toxicity, and risk for humans, bees, and the environment, Science of the Total Environment, Vol, https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969724043651

[2] PAN Europe, ROMAPIS, Client Earth, and BeeLife, 2017, Bee Emergency Call, ​​https://www.bee-life.eu/post/2017/03/20/bee-emergency-call

[3] Romapis, BeeLife, 2018, Bee-killing Insecticides Continue to be set Free in Romania, https://www.apiservices.biz/documents/articles-en/bee_killing_insecticides_continue_romania.pdf 

[4] BeeLife, 2018, Open Letter to the Commissioner - Emergency Authorisations of Neonicotinoids and EFSA's Evaluation, https://www.bee-life.eu/post/2018/07/18/open-letter-to-the-commissioner-emergency-authorisations-of-neonicotinoids-and-efsas-ev 

[5] BeeLife, 2021, Romania is considering granting an emergency authorisation on the use of neonicotinoids - again, https://www.bee-life.eu/post/romania-is-considering-requesting-a-derogation-on-the-use-of-neonicotinoids-again 



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