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Remplacement des néonics par d'autres produits nuisibles aux abeilles? Le cas de la flupyradifurone

Dernière mise à jour : 12 avr. 2019



Des experts de terrain, des scientifiques et, plus récemment, des politiciens ont souligné l’importance de renforcer la protection des abeilles et des pollinisateurs en général. Des décisions importantes telles que l'interdiction des néonicotinoïdes en 2018 ont été prises pour améliorer la protection des abeilles. Cependant, il serait naïf de penser que cette interdiction résoudrait les problèmes environnementaux qui affectent nos pollinisateurs. Actuellement, des nouveaux produits sur le marché présentent des risques importants que nous ne pouvons pas ignorer, même s'ils n'ont pas la même « popularité » que les néonicotinoïdes. Tel est le cas de la flupyradifurone, une substance active présentée comme une alternative sûre, mais qui peut toujours être un facteur de risque pour les abeilles.


L'Union européenne a autorisé l'insecticide flupyradifurone en même temps que le sulfoxaflor (voir plus) en 2015. Toutefois, sa relative « sécurité » d’utilisation est aujourd’hui remise en cause par de nouvelles études qui examinent non seulement les normes minimales permettant d'évaluer le risque du produit, mais incluent aussi d'autres facteurs couramment rencontrés dans des conditions réelles. Cette réévaluation est fondamentale, surtout quand on tient en compte que le produit est destiné à être utilisé « sur une large gamme de cultures telles que les agrumes, les fruits à pépins et à noyau, les noix, le raisin, le café, le cacao, les légumes-fruits et les légumes-feuilles (intérieurs et extérieurs), les cultures de Brassicacées et le houblon, mais aussi sur les tubercules. Les légumes et les grandes cultures telles que le coton et le soja, l’utilisation du produit sur les plantes ornementales et les bulbes étant également envisagée, ainsi que sur les palmiers dattiers pour lutter contre le charançon rouge des palmiers »[1].


Dans une étude récente publiée dans les Actes de la Royal Society, une autre méthodologie a été appliquée, permettant de mieux évaluer le risque que la flupyradifurone (commercialisée sous le nom de Sivanto®) pose aux abeilles. L'impact de l'insecticide a été mesuré en le couplant avec un fongicide communément utilisé, le propiconazole (PRO). Les résultats sont clairs, la présence des deux substances a eu un « effet synergique [qui] réduit considérablement la survie de la colonie » [2].


D'autre part, les effets des applications de flupyradifurone sur le terrain n'affectent pas seulement la survie des colonies. L'étude a également révélé que les effets synergiques augmentaient la proportion de comportement anormal au sein des colonies et que la toxicité était plus importante pour les butineuses que pour les autres ouvrières qui restent dans la ruche.


Lors d'une interview pour la revue Newsweek, l'auteur de l'étude, S. Tosi, a indiqué que « bien que l'étiquette du produit interdise le mélange de la flupyradifurone (FPF) dans un réservoir d'application avec certains fongicides, dont le PRO, les abeilles peuvent être simultanément exposées à la FPF et à d'autres produits chimiques - formant ainsi un "cocktail"- qui sont couramment utilisés dans les cultures adjacentes ou qui persistent dans le temps. FPF et PRO sont utilisés sur les mêmes cultures et plantes ornementales, y compris les fruits, les oléagineux et les céréales. » [3]


Il semble capital à BeeLife de rappeler que le point essentiel pour améliorer les conditions environnementales et assurer notre sécurité alimentaire pour l'avenir, est de ne pas rester dans la même logique de remplacement de substances actives par d’autres substances actives toutes aussi dangereuses. Pour mieux comprendre cela, nous pouvons nous rappeler les déclarations du célèbre biologiste Dave Goulson lors d’une interview donnée l’année dernière : « À quel moment allons-nous penser ? Attendez un instant. Nous devrions peut-être chercher une autre solution qui ne soit pas un pesticide, qui ne soit pas un produit chimique qui tue tous les insectes » [4].


Le cas de la flupyradifurone nous rappelle, une fois de plus, que cette logique n’est pas viable, ce qui nous encourage à continuer de travailler à la mise au point d’alternatives meilleures et plus sûres.



[1] https://www.sivanto.bayer.com/doc/Technical-Information-SIVANTO.pdf

[2] https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2019.0433

[3] https://www.newsweek.com/flupyradifurone-bee-safe-pesticide-bees-1390422

[4] https://www.bee-life.eu/post/2018/09/21/transcript-interview-with-dave-goulson

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